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Article originellement publié sur le blogue du Fonds des Médias du Canada.


The Enemy est une œuvre hors-norme qui aborde la représentation de l’ennemi dans des zones de conflits. Son réalisateur Karim Ben Khelifa et ses coproducteurs canadiens  ont imaginé deux expériences complémentaires, l’une en réalité virtuelle et l’autre en réalité augmentée, afin de transformer la vision que nous pouvons avoir d’un ennemi.

Dépasser le fantasme de l’ennemi

La bande-annonce de l’œuvre est portée par la voix de Karim, qui y exprime une « frustration », après plus de quinze ans passés à couvrir les conflits qui jalonnent notre monde avec le médium de la photographie: « Ce que je voyais [sur une zone de conflit] n’était pas ce que je transmettais avec les photographies, confie-t-il lors d’un entretien au Centre Phi de Montréal. The Enemy est le fruit d’une expérience de terrain que je n’arrivais pas, à travers le média à ma disposition, à faire passer. Avec The Enemy, il ne s’agit pas d’expliquer une guerre, mais d’aller vers quelque chose de beaucoup plus simple: la parole d’un combattant face à la parole d’un autre combattant. »

Bande-annonce de The Enemy

Cette bande-annonce vous dévoile les deux facettes de l’œuvre: une expérience collective de réalité virtuelle, et une application mobile de réalité augmentée. Chacune apporte une pierre singulière à l’édifice.

D’une part, l’installation de réalité virtuelle propose une expérience à plusieurs, plus sociale, qui se manifeste comme un événement pour l’utilisateur: celui-ci doit être à un endroit précis à une heure précise pour vivre The Enemy.

L’application de réalité augmentée, elle, est accessible partout, à tout moment. Pour ceux et celles n’ayant pas la chance de voir l’installation élire domicile dans leur ville, l’expérience mobile permet d’accéder au contenu depuis un simple téléphone. Peut-être moins monumentale que l’installation en réalité virtuelle, l’application mobile a toutefois permis à l’œuvre d’être vue dans plus de 100 pays. Une complémentarité prometteuse pour les œuvres cherchant à allier immersion, ambition et accessibilité.

La VR à gauche, l’AR à droite

Quelque soit l’expérience, l’intention reste constante : placer face à face deux combattants et donner à l’utilisateur la possibilité d’aller à la rencontre de l’un et de l’autre. Vous n’êtes pas dans une zone de conflit, ni l’environnement ni les combattants ne sont menaçants. Il s’agit d’une démarche de compréhension, de dialogue à distance entre soldats qui voient d’ordinaire leur sensibilité effacée par la rhétorique universelle de la guerre, par le fantasme sciemment entretenu d’un ennemi agresseur, presque animal.

The Enemy est une vaste entreprise de réhumanisation, de reconnection entre les valeurs et les préoccupations – souvent similaires – des personnes dans deux camps opposés. Voilà pourquoi l’installation a vocation à être montrée, entre autres, dans les zones de conflit dépeintes. Ainsi l’oeuvre arrive à Tel Aviv en juin 2017 : « Être Israélien et s’approcher physiquement d’un combattant palestinien, cela ne se fait que dans The Enemy. Dans la la vraie vie, on part dans l’autre sens ! » affirme Karim ben Khelifa. « Il y a une fenêtre d’opportunité, de sécurité, qui est instaurée dans The Enemy et qui donne la force, le courage, la curiosité de le faire. Mais cela ne veut pas dire que cela se fait sans émotion, sans a priori, sans crainte, sans montée d’adrénaline. »

Aux prémisses de la réalité virtuelle

Si la VR s’est désormais imposé comme l’acronyme le plus populaire dans le monde de la création innovante, il faut bien voir qu’il y a quatre ans, quand germe l’intuition de The Enemy, la technologie en est encore à ses balbutiements.

Alors que Karim est en résidence au MIT, en 2013, il est témoin d’une démonstration d’un nouveau dispositif de réalité virtuelle par Palmer Lucky, le fondateur d’Oculus. Les yeux dans le casque, il ressent un vertige et parvient à se dire que c’est une bonne chose : « j’ai compris que ce médium avait une capacité de tromperie du cerveau assez phénoménale et je me suis posé la question suivante: quel serait le résultat si je faisais “sortir” les gens de mes photos ? »

Karim échange avec Boris Razon, alors chez France Télévisions, et Hugues Sweeney, de l’ONF, et une volonté commune s’affirme. France Télévisions part alors en quête d’un producteur en France pour porter le projet: ce sera finalement Camera Lucida, et la productrice Chloé Jarry, qui seront retenues.

« Le contact s’est bien établi », se remémore cette dernière. « En partie parce que j’ai personnellement vécu en Corée et que ces questions de frontières m’ont donc beaucoup marquées. Nous avons décidé d’accompagner Karim mais sans avoir pleinement conscience de ce dans quoi nous nous engagions. » 

Si l’intention éditoriale est très claire, la question de la forme est loin d’être résolue. La décision est donc prise de réaliser trois prototypes : un premier uniquement en son spatialisé, un second avec photographies et son spatialisé, et un troisième en réalité virtuelle. Si cette dernière sera finalement retenue, elle n’est à ce stade qu’une option parmi d’autres. Pendant quelques mois, de premiers tests confortent l’équipe dans cette direction et la décision est prise.

Commence alors ce qui s’avèrera être une année de prototypage: début 2014, l’équipe rencontre de nombreux prestataires techniques afin de trouver le bon processus de fabrication. Une tâche complexe puisque le dispositif de tournage doit pouvoir être installé en zone de conflit ! 

« Une société proposait par exemple une technologie de ‘doublure numérique’, permettant de modéliser en 3D des personnes réelles. Mais il fallait pour cela installer une cage de trois mètres sur deux, équipée de 50 appareils photos. C’était très intéressant, mais pour Karim il était impensable de faire rentrer un combattant là-dedans… » précise Chloé. Ce sera donc la proposition de la société Emissive qui sera retenue, pour sa légèreté et sa souplesse.

Mais qui dit simplicité au tournage, dit redoublement de la complexité en post-production : « Puisque l’on prend peu de matière sur le tournage, il faut compenser ailleurs », explique Chloé Jarry. « Nous avons vu des dispositifs plus lourds qui, à défaut d’être moins chers, auraient donné moins de travail en post-production. »

Le premier tournage est conduit en juin 2014, avec la rencontre de Gilad, côté israélien et Abu Khaled, côté palestinien. Les deux hommes ne sont pas mis littéralement face à face mais « avaient entendu parler l’un de l’autre. Ils ne savaient pas à quoi l’autre ressemblait mais ils savaient qu’ils avaient chacun deux enfants. » détaille Karim ben Khelifa.

« Ils étaient tous les deux fatigués de la guerre, tout en étant pris dans cet engrenage de violence, d’ordre, de positionnement dans la société. Ils commençaient tous les deux à être critiques de ces guerres à répétition auxquelles ils avaient tous les deux participé et qui ne les emmenaient manifestement nulle part. » Triste confirmation de la pertinence urgente du projet, les deux hommes s’opposeront dans l’offensive, n’ayant elle rien de virtuelle, de juillet-août 2014, quelques semaines après leurs entretiens avec Karim.

Le contenu sonore et visuel récolté, une fois post-produit, va donner naissance à l’automne au premier prototype de The Enemy, qui sera monté pour la première fois lors du festival de Tribeca en janvier 2015, avant d’enchaîner les évènements prestigieux de par le monde.

« Le contenu du prototype est globalement le même que celui de la version finale », précise Chloé. « En revanche, ce qui va différer à ce stade, c’est que les ordinateurs portables ne sont pas encore assez puissants pour faire tourner l’expérience sur Oculus. » L’utilisateur est donc relié à une ordinateur fixe par un câble de 5 mètres de long, tenu en permanente par une personne pour éviter qu’il ne s’entrave… De plus, l’expérience est encore individuelle, alors que pour l’équipe une chose est claire : The Enemy se vivra de façon collective.

De l’efficacité à l’exploitabilité

« Éditorialement, le prototype est d’une efficacité presque totale » se félicite Chloé Jarry. « Nous avons bien le sentiment de présence, l’écoute absolue du spectateur… Les gens se déplacent librement et sans inquiétude. » Il est présenté dans de très nombreux festivals pour son caractère et son échelle exceptionnelles à une époque où les installations aussi imposantes en réalité virtuelle se comptaient sur les doigts de la main. La qualité du prototype permettra d’ailleurs de convaincre de nombreux financeurs (notamment le CNC, en France, et le FMC, au Canada) et partenaires.

« Pourtant, nous savions que ce prototype ne représentait pas vraiment ce que nous voulions faire, admet Chloé. Nous voulions créer quelque chose d’exploitable, accessible au grand public en dehors des festivals. » Ce qui reste inenvisageable en l’état : le grand enjeu de la phase de production qui s’engage désormais sera de transformer The Enemy en une expérience collective, tandis que les tournages se poursuivront au Congo puis au Salvador.

Deux combattants parmi les six à rencontrer dans The Enemy

« Lorsque nous sommes passés au multiutilisateur, nous avons travaillé par itérations, avec de nombreux tests. Pour voir ce que change le fait d’être à deux personnes, puis trois, puis quatre, puis cinq. » L’enjeu est de taille, car les musées et espaces qui souhaitent accueillir l’œuvre ont besoin d’atteindre une certaine jauge de fréquentation. D’autant plus que la durée moyenne de l’expérience est de 50 minutes, il n’était donc pas question de miser sur un roulement rapide des utilisateurs…

« La durée de l’expérience était une inquiétude, relate Chloé Jarry. Est-ce que les gens allaient rester aussi longtemps? Est-ce que nous allions avoir un important pourcentage d’utilisateurs qui arrêtent avant la fin? Nous avons rapidement validé cet aspect du projet pendant nos tests utilisateurs, où l’on s’est aperçu que presque personne n’abandonnait l’expérience: 99,5% des gens vont jusqu’au bout, encore aujourd’hui. » De quoi tordre le cou aux préconceptions selon lesquelles les œuvres en réalité virtuelle doivent nécessairement être courtes sous peine d’épuiser le public…

Enfin, l’équipe intègre un dernier élément à l’œuvre : une « intelligence artificielle ». Avant d’enfiler votre casque en début d’expérience, une tablette vous est tendue et permet de remplir un questionnaire. Vous y partagez votre vision de la guerre en général et des conflits abordés dans The Enemy. Ces données sont ensuite associées à votre comportement pendant l’expérience, vos déplacements, où se porte votre attention… Tout cela afin de vous proposer une séquence finale personnalisée, une manière de dégager un sens unique à votre exploitation de ces trois conflits et de ses combattants.

Au-delà de son sens éditorial, cette séquence sert de sas de décompression après une expérience longue et plutôt exigeante, physiquement mais surtout moralement. De plus – chose moins évidente mais tout à fait judicieuse – elle favorise aussi les échanges sociaux. « L’interaction ne se fait pas dans l’expérience, puisque nous avons privilégié le sentiment d’intimité avec le combattant, qui ne parle pas à tout un groupe. La personnalisation finale de l’expérience pousse donc à se demander comment s’est déroulée l’expérience de l’autre : ‘Et toi t’as eu quoi à la fin ?’ »

Au terme de ce processus de production long et exigeant, le projet assume quelques retards. Pendant longtemps, l’équipe contemple la possibilité d’un tournage en Corée mais doit se retourner vers le Salvador, tant la tâche s’avère complexe. Non pas que le tournage au Salvador ait lui-même été exempt de difficultés : il est repoussé par deux fois pour des raisons de sécurité.

Des complications qui se cumulent avec celles, moins vitales certes, de la technique. L’équipe a par exemple attendu plusieurs mois la sortie des « PC sac-à-dos » que vous portez sur vos épaules tout au long de votre expérience. « Il n’était pas imaginable d’exploiter l’œuvre sans eux, rappelle Chloé. Nous avons essayé d’entrer en négociation avec des fabricants mais finalement nous avons été obligé d’attendre leur sortie officielle. »

Finalement, tout est prêt. Le MIT Museum a affirmé sa volonté d’accueillir l’œuvre assez tôt lors de la production du projet, mais ce sera en France que sera montré The Enemy en tout premier, à l’Institut du Monde Arabe de Paris en mai 2017, trois ans et demi après les premières discussions autour du projet.

La rencontre avec le public

Une fois le casque enfilé, vous êtes libres de votre cheminement, rien n’est fléché… et ce n’est d’ailleurs pas utile car la présence de deux combattants face à face, qui vous suivent du regard, vous intime instinctivement de les rejoindre.

Une fois à proximité de leurs corps virtuels, leurs échanges avec Karim ben Khelifa résonnent. « Je leur pose deux types de questions. » détaille Karim. « Je leur demande d’abord qui est l’autre, qui est ton ennemi, pourquoi est-ce que tu l’as tué ? On est alors dans la notion du fantasme, dans le stéréotype et dans la défense. ‘Il m’a pris ma terre, il m’a agressé, il a agressé les gens dans nos villages’. Et puis je leur pose des questions sur eux-mêmes. Qu’est-ce que la violence pour toi? Est-ce que tu fais des cauchemars ? Des rêves? Quel a été le plus beau jour de ta vie ? Et là, tout d’un coup, les paroles se révèlent similaires. »

Les questions plus personnelles nous déportent vers une sphère de rencontre humaine, et non pas d’arbitrage d’un conflit, comme nous aurions pu le croire avant de commencer l’expérience. Il ne s’agit pas de décider du bien-fondé des motivations de l’un ou de l’autre, ni de résoudre leurs problèmes, mais d’écouter et de comprendre l’humanité qui les relie au-delà des rhétoriques qui les opposent.

Après la France, The Enemy s’est installé à Tel-Aviv, Boston, Montréal, et continue sa tournée. Et le public répond très favorablement à la démarche. « Je suis totalement satisfait », jubile Karim ben Khelifa. « Je n’aurais pas imaginé, dans mes rêves les plus fous, qu’autant de gens comprennent notre intention, qu’ils pleurent, qu’ils en discutent après l’expérience. Ils s’approprient le message parce qu’ils ont vécu une expérience qui leur appartient désormais. »

The Enemy au Centre Phi de Montréal

Les demandes de musées et d’institutions restent nombreuses encore aujourd’hui, « même si certains sont arrêtés par les coûts que représente l’installation, admet Chloé Jarry. Ceux qui veulent aller de l’avant vont souvent chercher des commanditaires pour permettre l’accueil du projet, donc les négociations prennent un peu de temps. Nous avons environ cinq ou six lieux prévus pour l’année à venir. »

Le modèle économique d’exploitation n’est pas imposé par les coproducteurs et chaque lieu est libre de sa politique tarifaire. « Je pense que pour les lieux hôtes, parce qu’ils ont tous choisi des prix à l’entrée assez faibles. »

Les billets coûtaient par exemple 15$ lorsque The Enemy s’est installé au Centre Phi en février 2018. Une accessibilité qui n’optimise pas forcément la rentabilité, mais qui permet à bon nombre de personnes de découvrir la réalité virtuelle à travers une expérience particulièrement pertinente.

Une accessibilité qui reste relative toutefois, puisqu’encore faut-il être dans la bonne ville au bon moment pour avoir une chance de découvrir l’œuvre. C’est ici qu’entre en jeu la seconde facette du projet : rendre accessible son contenu et sa démarche à travers une application de réalité augmentée.

The Enemy dans votre mobile

The Enemy s’est déployé dans plus de cent pays. Tout cela bien sûr grâce à l’application mobile de réalité augmentée – téléchargeable gratuitement sur tout mobile récent – et dont la production a elle aussi connu de nombreux rebondissements.

Qui a vu The Enemy ?

Depuis les premiers balbutiements de The Enemy, l’ONF a gardé un œil bienveillant sur le projet, avant de rejoindre l’aventure au moment de l’entrée en production. Rapidement, le studio Dpt. se joint lui aussi au rang des coproducteurs de l’œuvre : « L’ONF nous a approché puisque nous avions travaillé sur un documentaire interactif en réalité virtuelle appelé Clouds. Nous étions vraiment au début de la mouvance VR donc peu de gens touchaient à cela. »

Suite à une rencontre à Montréal en 2015, chacun trouve sa place : pour schématiser, la réalité augmentée ira aux partenaires canadiens, et la réalité virtuelle aux partenaires français.

A cette époque toutefois, rien n’est encore établi. Plusieurs scénarios sont abordés, y compris une version où l’expérience consisterait en une sorte de conversation Skype avec des combattants (virtuels bien sûr). Puis vient l’idée de la réalité augmentée : « il y avait d’abord beaucoup de scepticisme du côté des coproducteurs français parce qu’ils avaient peur que nous fassions une version trop dégradée de l’expérience en réalité virtuelle » relate Nicolas S. Roy, président et directeur créatif du studio Dpt. « Pour nous, il s’agissait de décliner l’expérience d’une autre façon et de permettre à tout le monde de la voir, de la démocratiser. Au final, deux ans plus tard, nous avons réussi à concrétiser cette vision mais au tout début, rien n’était en place pour nous permettre de le faire alors leur scepticisme était plutôt justifié ! »

En effet, en 2015, développer une expérience de réalité augmentée est une tâche ardue : les outils sont peu nombreux et les géants du Web que sont Apple et Google n’ont pas encore lancé leurs écosystèmes de création de réalité augmentée. Alors les équipes de Dpt. doivent faire du sur-mesure et multiplient les tests. Après avoir écarté les solutions qui exigent du public un certain équipement (comme l’utilisation du capteur Kinect de Microsoft par exemple), elles se concentrent sur une expérience plutôt simple, avec des combattants que l’on dévoile en tournant sur soi-même avec son mobile en face des yeux.

« Dans cette première version, les deux personnages étaient ancrés au sol et l’utilisateur ne pouvait pas s’approcher d’eux, juste tourner sur eux-mêmes. Quand il regardait au sol, il avait l’air de flotter un peu… » admet Nicolas. « Bref, il n’y avait pas de sentiment de présence et dans The Enemy, tout est une question de présence. Si l’on ne sent pas que les combattants sont là, c’est un peu futile… »

Un rendu un peu décevant, mais difficile de faire mieux avec les outils à disposition. Jusqu’à ce qu’Apple et Google lancent leurs écosystèmes de développement d’application en réalité augmentée à l’approche de l’été 2017. Très exactement quand The Enemy devait sortir ! Un timing loin d’être idéal mais une opportunité de grandement améliorer le résultat : la décision de repousser le lancement à l’automne est prise. L’expérience sera de meilleure qualité mais manquera l’opportunité d’une communication conjointe avec l’installation en réalité virtuelle. Le prix à payer pour obtenir une œuvre de qualité…

Le pouvoir singulier de la réalité augmentée

« Aujourd’hui, le marché de la réalité virtuelle doit encore faire ses preuves, alors qu’il y a déjà des centaines de millions de téléphones qui peuvent supporter des expériences en réalité augmentée », affirme Nicolas S. Roy. Nous avons souvent tendance à accoler ces deux mots – AR et VR – mais ce sont deux technologies et usages très différents. Ce que je trouve intéressant avec la réalité augmentée, c’est qu’une expérience peut changer ta vision de l’espace dans laquelle tu la vis. Si tu expérimentes The Enemy dans un parc et que l’expérience te touche, tu vas y penser la prochaine fois que tu passes à côté de ce parc. »

The Enemy… dans mon jardin.

Cette accessibilité se traduit dans des chiffres de téléchargement modestes, mais plus que respectables pour un projet de documentaire exigeant, avec 15 000 téléchargements sur iOS. Ceci dit, la réalité augmentée n’est pas encore pleinement intégrée dans les usages du public, avec parfois des comportements inattendus, différents des attentes des créateurs: « Nous avons pensé cette application pour être vécue à l’extérieur, c’était une volonté de Karim que de faire se déplacer les gens pour aller à la rencontre de l’autre. Pourtant, l’expérience est souvent faite à l’intérieur. Il y a probablement un côté intimidant à faire ça dehors, devant les gens… » explique Nicolas.

Des limites en partie inhérentes à la technologie et dues au manque de maturité des usages du public, mais qui sont loin de décourager les coproducteurs de The Enemy. En effet, Dpt. continue de produire des œuvres en réalité augmentée, tout comme Camera Lucida: « Nous réalisons actuellement un autre projet d’installation en réalité virtuelle, accompagnée d’une application de réalité augmentée également, car je continue à croire en la complémentarité des deux ! » déclare Chloé Jarry.

Une nouvelle œuvre qui bénéficiera à n’en pas douter de l’expérience immense emmagasinée lors de la (très) longue production de The Enemy. Mais il n’en fallait pas moins pour venir à bout d’un projet si ambitieux qui, malgré ses quatre années de gestation, est tout de même parvenu à rester en pointe en termes de technologie et d’usage.

A sa sortie, Ennemi s’est ainsi parfaitement intégré à deux tendances lourdes : la démocratisation des expériences de réalité augmentée sur mobile, et l’émergence d’installations de réalité virtuelle multiutilisateurs. Et cela tout en portant un message à la fois simple et universel, qui nous pousse vers une plus grande compréhension de combattants, certes virtuels, mais réhumanisés.


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