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La vidéo verticale. Comment un format autrefois ridiculisé et réservé aux parias et aux philistins de la création audiovisuelle est devenu parfaitement incontournable ?

La réponse réside comme toujours dans un facteur évident : la transformation des comportements du public impulsée par de nouvelles technologies. Le mobile et les réseaux sociaux qui s’y nichent – en premières places desquels on retrouve Snapchat, Instagram et Facebook désormais – ont fait naître en nous cet appétit et cette curiosité pour les vidéos au cadre étiré.

Généralement, la pertinence du format vertical est justifiée à grands renforts de chiffres. « 96% des gens tiennent leur mobile de façon verticale » (sans déconner…) ou encore « 79% des utilisateurs mobiles préfèreraient des contenus au format vertical s’ils avaient le choix » nous dit Facebook.

Super. Mais j’estime que l’on a aujourd’hui largement dépassé le stade où la vidéo verticale doit encore prouver quoi que ce soit. Elle est là. Et compte tenu de la prévalence du mobile dans nos vies, elle est là pour durer.

La question désormais, c’est bien de trouver la meilleure façon de s’emparer de la création vidéo verticale, dans toute sa richesse et sa diversité.

Va-t-on devoir tout produire en double ?

Voire en triple ? Un format horizontal, un format carré, un format vertical ? Peut-être, tout dépend du contenu en question. Pour un contenu publicitaire (ou assimilé à de la pub), qui doit être diffusé un peu partout, sur toutes plateformes, sur tous supports, la réponse est probablement oui…

En tout cas disons que les formats multiples seront un atout pour diffuser un contenu le plus largement possible… Mais qu’en est-il des contenus plus spécifiques, « artistiques », dans lesquels les choix de cadrage font partie d’une démarche bien affirmée ?

Certains proposeront de filmer selon un certain ratio (par exemple, en horizontal 16:9) puis de recadrer ensuite sur la partie la plus intéressante de l’image. C’est une possibilité en effet, mais qui reste extrêmement périlleuse.

Prenons l’exemple de cette image horizontale et de ses recadrages en formats carré puis vertical :

Ici, tout se passe plutôt bien. Recadrer un sujet unique, lors d’une interview par exemple, ne semble pas insurmontable.

Mais dès que l’image est plus fournie, la technique touche à ses limites :

Alors, rapidement, on réalise quelque chose de simple : il sera le plus souvent préférable de choisir de façon résolue le format « natif » de notre prochaine création, en fonction de l’objectif et la stratégie que l’on se donne.

Il ne s’agit en aucun cas de décréter l’un ou l’autre ratio supérieur dans l’absolu mais bien de reconnaître qu’une fois de plus, les nouveaux médias nous ont offert le pouvoir de choisir. Alors explorons ensemble pourquoi, dans certains cas, l’image verticale sera le meilleur choix artistique.

La verticalité, un ratio très « humain »

Le principal facteur qui nous poussera à choisir le format vertical est bien entendu si l’oeuvre se destine à une diffusion principalement mobile. et/ou sur les réseaux sociaux.

Mais essayons de dépasser ces considérations très pragmatiques pour envisager les vertus de l’image verticale d’une point de vue plus artistique.

L’aspect le plus saillant dans cette « grammaire » de l’image verticale, c’est bien entendu sa forte propension à mettre l’humain plus en valeur. Il s’agit pas ici d’une découverte récente, il suffit pour s’en convaincre de contempler plusieurs siècles de peinture et de photographie…

En épousant la forme du corps humain, l’image verticale nous force à nous focaliser davantage sur le sujet. Là où l’image horizontale restera inégalée pour ancrer un sujet dans son environnement…

Dans ces images tirées du documentaire Gender Derby, il sera parfois difficile d’apprécier où se situent les personnages. En revanche, notre regard se focalisera rapidement sur leur visage, leur position, leur langage corporel :

Ce qu’il faut bien voir également, c’est que l’image verticale – parce qu’elle est vouée à être vue sur mobile – est une image que l’on consommera avec une plus grande proximité. Car a priori, vous tenez votre téléphone plus près de votre visage que votre ordinateur, votre télévision ou qu’un écran de cinéma…

L’image verticale – une fois qu’on la considère dans son contenant mobile – devient donc une image plus intime, que l’on tient proche de soi, que l’on touche même du doigt parfois.

Le mobile, cheval de troie pour l’image verticale

La vidéo verticale a gagné ses récentes lettres de noblesse avec l’avènement des réseaux sociaux optimisés pour le mobile, à savoir Snapchat puis rapidement Instagram, par l’entremisse de leurs stories.

Puisque les stories ont immédiatement contraint des millions d’utilisateurs à produire des images verticales, le phénomène n’avait pas d’autres choix que de se renforcer…

C’est la raison pour laquelle l’esthétique de bon nombre de vidéos verticales restent celle du selfie, de la prise de vue « bras tendu face à soi », avec image tremblante (et tout le tremblement). Certains surjouent d’ailleurs cet aspect « amateur et spontané » :

Dans un tout autre registre, le court-métrage Je ne t’aime pas utilise lui aussi des codes bien connus. Pas ceux des stories cette fois mais plutôt du téléphone portable lui-même.

Tout le récit est perçu à travers l’interface du téléphone d’une jeune femme qui traverse la France pour aller voir son père mourant :

Ici encore, le format vertical de l’oeuvre rend hommage au mobile et à sa prédominance dans nos vies et dans notre rapport intime à l’image.

Mais faut-il toujours emprunter l’esthétique des stories ou du mobile pour produire un contenu vertical ? Faut-il toujours justifier ce ratio par un artifice de mise en abyme ? Heureusement non, loin s’en faut.

Explorer les limites de l’image verticale

Bien des oeuvres proposent désormais des images verticales, sans aucun artifice. De plus en plus, les vidéos verticales osent s’éloigner de l’esthétique « amateur » dont nous parlions plus haut.

Un bel exemple est le très court métrage Impact, qui nous plonge dans la tête d’un plongeur avant le grand saut :

Ici, nous voyons bien que le concept narratif fait parfaitement écho au format choisi : la chute du plongeur est un mouvement naturellement vertical (d’ailleurs, la gravité est de façon générale un très bon générateur de verticalité…).

Tourner une vidéo verticale va souvent obliger à chercher des sources de verticalité… ou à les aménager !

Dans d’autres oeuvres, le verticalité n’est pas tant au coeur du sujet… et ce n’est pas forcément grave !

Gender Derby, un documentaire sur un jeune homme trans qui pratique le Roller Derby, nous dévoile ainsi l’importance du hors-champ dans une création en vidéo verticale.

Nous voyons bien ici que le mouvement (horizontal cette fois-ci) des personnages les fait rapidement sortir et entrer du champ. Bien plus fréquemment que si l’image était horizontale.

Il sera donc potentiellement plus difficile de suivre un sujet mouvant en vidéo verticale mais comme Gender Derby le montre à merveille, ce n’est pas forcément un handicap. Notre imagination, comme toujours, comblera le « vide »…

Parmi les autres plans rendus plus compliqués en image verticale : les plans larges, de groupe. Mais on n’a pas inventé le panoramique pour rien…

La vidéo verticale recèle donc de nombreuses possibilités et il faudra encore du temps et des projets pour affiner notre regard critique sur ce ratio si particulier.

Je vous invite déjà à (re)lire l’étude de cas de Gender Derby que j’ai réalisé il y a quelques temps, sa réalisatrice Camille Ducellier et son producteur Romain Bonnin ont déjà beaucoup de bonnes choses à vous raconter…

Bonnes idées et astuces pour les créateurs de vidéo verticale

Une première bonne idée, déjà maintes fois utilisées dans des créations verticales : l’écran partagé. Un écran vertical (9:16) coupé par la moitié donnera ainsi naissance à deux écrans (presque) carrés.

De quoi jouer avec de multiples possibilités et combinaisons :

Dans ces trois scènes de Gender Derby, vous retrouvez une même action avec deux valeurs de plan (à gauche), deux actions similaires avec deux valeurs de plan (centre) ou encore deux actions différentes (à droite).

Mais dites-vous bien que rien ne vous oblige à couper au centre, ni même de façon rectiligne :

A l’instar de l’écran partagé, de nombreuses techniques de réalisation « horizontale » peuvent être transposée, détournée, adaptée, en vertical. Parmi d’autres, l’utilisation de l’espace négatif peut s’avérer particulièrement saisissant :

Il serait bien illusoire de vouloir dresser une liste exhaustive de bonnes idées et techniques mais je pense qu’il est surtout important de rappeler que la création verticale reste largement à défricher.

Il faut donc se lâcher, s’approprier le format, et privilégier une façon de produire « native » : tourner directement en vertical (et non recadrer une image horizontale), monter ses vidéos avec des outils de travail paramétrés pour la vidéo verticale et visualiser en permanence son travail sur un mobile pour bien se rendre compte du résultat final !

Et avec tout ça, il ne nous reste plus qu’à changer le sens que l’on donne aux images.

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